La souffrance est engrainée et stockée dans mon bas ventre. Elle s'exprime à corps et à cri pendant mes règles. Je cherche depuis des années la signification de cette douleur car je pense que nulle douleur n'est anodine. Elle est là pour parler, pour pointer. Mais cette intolérable douleur elle pointe vers quoi ? En dehors de mon rapport délétère à la féminité. En dehors des traumas féminins transgénérationnels dont j'ai hérité. Elle pointe vers quoi ?
Je pars à l'aventure... j'ai décidé de vivre ma souffrance à l'endroit. J'explore les instants de ma vie où je l'expérimente et la banalise, la comprime et l'étouffe par bienséance, par stoïcisme, par négligence, par ignorance.
Je souffre lorsque je tire sur mes cheveux pour les démêler, indifférente à la délicatesse que réclame mon cuir chevelu. Je souffre lorsque je dis oui alors que alors que j'ai envie de dire non. Je souffre lorsque je constate l'indifférence dans les yeux de mon père. Je souffre à chaque fois que je dois rester le cul vissé sur ma chaise de bureau alors que j'ai envie de danser. Je souffre lorsque je n'essaye pas alors que je peux. Je souffre quand je m'interdis alors que j'ai envie. Je souffre de mes pieds comprimés dans des escarpins et de mes épaules cisaillées par des soutiens. Je souffre lorsque je serre les dents pour étouffer un cri à chaque bande de cire brûlantes arrachées de mon pubis. Je souffre lorsque mon corps est en bas et mon âme est en haut. Je souffre lorsque j'accepte des assauts qui me labourent les reins au lieu de les honorer. Je souffre lorsque ma parole est coupée. Je souffre lorsque je décèle que parfois les gens que j'aime le plus me veulent du mal. Je souffre du poison que certains mots blessants de ma mère déverse sur mon cœur.
Voilà c'est dit. Jusqu'à aujourd'hui mon existence était faite de bouts de souffrance ordinaire, enfilées comme des perles sur le fil de ma vie. Elle s'imprègne avec une aisance déconcertante partout. C'est fou, je n'en avais pas conscience. Et on se l'inflige souvent seul comme des grands. On la minimise ou on la tait sans lui laisser la possibilité de s'exprimer. On regarde ailleurs. Heartbreaking. Ça suffit.
- Fatoumata, 24/12/21
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